je me suis rompue -  qu’est ce que j’aurais pu faire ?

j’l’invente pas - y’a écrit sur la boite du casse-tête : ROMPRE LA CABESA - peut-être - vingt-sept pouces par dix-neuf de briques par briques pour filer la raie d’la construction - il te manque juste le crayon sur l’oreille pour le tableau complet

j’ai tout lu pendant que tu te creusais la tête devant l’image défragmentée d’un château perdu - t’étais si concentré.e à assembler les morceaux qu’t’as même pas vu qu’à tes guénilles qui te servent de bas j’vidais la fontaine mordicus - à la base j’voulais juste ranger ton carnet de poésie dans la bibliothèque mais j’ai finalement été prise - comme si ça m’était dû - j’ai retourné tes poches et j’ai lu - j’t’ai mis.e cul nu -j’ai trouvé le klapperstein qui se cachait dans tes bobettes  



pardon - j’ai pas de défense valable




pour vrai t’aurais fait quoi à ma place ? - c’est pas une raison je sais - se débattre une fois jeté.e dans le grand bain - j’ai fait ça pour voir ce qu’il y avait entre tes lignes - derrières tes cils toujours froncés et ta bouche fermée - pour te connaitre parce que tu dis rien et que tu préfères te perdre dans les douves que sur mon chemin de ronde - on avait tant à se dire autour de bougies tu sais ?



m’en veux quand même - encore une fois c’était pas une raison - j’ai tout recaché dans le hasard des choses d’un jour d’été - honteuse - j’m’étais laissée attirer par les tiroirs que tu m’as jamais ouvert - j’savais même pas si j’aimais ta poésie - j’savais même pas qu’elle existait 


pis après j’te le dis ou j’te le dis pas ?

j’ai le cul entre deux chaises

quand tu te lèves t’es fier.e - moi non
 















j’t’ai jamais dit que j’avais aimé ta poésie - quand j’ai lu j’étais fière de toi


j’ai peur de me faire lire les cartes - j’ai peur que si je balance tu t’arrêtes d’écrire








j’ai l’impression d’avoir marché sur une punaise 

pire encore : d’avoir marché sur une punaise - pis essayer de la retirer mais n’en retirer que la partie ronde en laissant la partie piquante dans la peau - paniquée blanche comme un cul tu verrais dans mes yeux le fondu au noir - c’est pas fini - me réveiller un peu plus tard  reprendre mes esprits et me rappeler pourquoi je me suis endormie - réaliser qu’il va falloir faire quelque chose du bout qui reste - prendre mon courage à deux mains mais blanchir à nouveau - ne plus retrouver la plaie où creuser  

au pique-nique de la panique j’ai mis la nappe toute seule - les petits carreaux rouges et blancs le panier en osier - les cinq étoiles de la salade de tomates - tout est là


ça y est j’ai fabriqué la peur en moi - peur d’être prise la main dans le sac parce que j’en sais trop  











j’t’ai jamais dit que j’avais aimé qu’t’écrive de la poésie















j’suis partie la punaise dans le pied


qu’est ce que t’aurais fait toi ? - je sais c’est pas une excuse mais t’aurais fait quoi toi ?





alors à Porcelette je n’y suis plus jamais retournée - une veste à moi est encore suspendue à un crochet dans le couloir - le monde est encore là même si déjà évacuée

mais j’aimerais te dire que les collines à l’aube de ce coin de pays ont le brouillard collant - que la route qui mène à la place du village est impraticable après trois flocons - et que tu croises des bus pour l’école terminus usine - te dire que là-dedans j’ai croisé un enfant rejeté parmi les rejeté.es - perdu dans ses journées de demain et les portes fermées - vaincu dès le matin avant même de s’être installé au chaud sur une chaise d’école dont le métal des pieds est plus chaud que l’air ambiant de son chez lui - plein d’oubli dans le sac et dans les yeux - je crois qu’il est déjà parti








et de loin je me demande si la vaisselle en porcelaine a tenu le coup ?















je pense à toi cet enfant qui grandit dans un dead end - t’avais la plus belle boule à zéro de la brochette - je ne sais plus ton nom et toi tu ne peux pas connaitre le mien - et la vie continue sans qu’on se demande pour qui


c’est quoi ta poésie ?


il ne reste que la magie - j’espère que tu crois en la magie - la magie noire la blanche l’orange la rouge la bleue la verte la verte pomme tout ce que tu veux - elle te sort rien de la manche mais au moins tu t’amuses avec les accessoires en te créant un espace - la fée des dents te dira un jour ses quatre vérités - tu tendras les mains et elle te donnera rien - elle te dira qu’y’a rien de tout ça et que pourquoi donner une pièce en échange d’un caillou noir - alors tu te feras ta propre monnaie sans dorure ni reflet - un truc qu’on met pas dans la poche - un truc qu’on pourra pas t’voler

tu sais je suis partie y’a quelques temps - comme ça brusquement sans prévenir - un mardi j’étais là et le suivant plus là - j’ai pas répondu quand on a fait l’appel comme toi un matin sur quatre - sauf que toi t’es obligé de revenir - moi j’suis partie loin une punaise sous le pied - aussi loin qu’toi tu pars dans ta tête en pleine leçon du matin le ventre vide depuis la veille - je t’ai laissé là comme t’sais quoi - pis t’as dû rien tilter - ça t’change quoi à toi au juste ? - rien t’as raison - le monde dort pareil malheureusement










qu’est-ce que j’aurai bien pu faire ?





pis toi à défaut de pouvoir faire de quoi dis-moi juste ce que t’aurais voulu faire


















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