je fais l’étoile dans le courant -
je pense à toi
tu emballes ta vie avec le fleuve comme ruban - assise sur le bord du
banc tes pieds touchent pas le sol jonché de chats qui siestent - la petite
maison dans la vraie vie - la bib était fermée - les canards sont nourris par
le vent de la berge - fleuve glacé ou bouillant suivre pareil - ça me
réconforte quand t’es dans le coin à respirer à côté - sous le couvercle avec
moi en me tenant la main - tu t’insères en soleil dans mon pays
tu dis entre autres par message :
on se gèle un peu / lève toi cu nu / et shake
shake shake / oui bien sûr que je peux venir / je peux vous rejoindre dans pas
longtemps / je fais les courses seule ? / ou ce soir pâtes ? / lol /
d’habitude c’est super rapide / je croise dans ma zezette aussi / j’ai acheté
des essentiels au dep / c’est bon j’ai la marchandise / c’est bo tu verras / horrible
et cute / bonnuit
plus tard :
la voisine fait ses appels dehors la conne - tu
l’entends ?
c’est pas moi qui l’ai dit - moi je l’entends pas je suis dans le salon
- j’entends rarement les affaires - j’entends juste toi qui râles que j’entends rien
À LA CAMPAGNE je n’entends plus les oies
quand est-ce qu’ont disparu les oies du coin ?
tu dis et j’apprends : elles ont migré, y’a pas si long, c’est
terminé la période
tu te souviens :
Un canard est mort dans l’étang. On nage dans
l’étang. Des kiddos speedo plongent dans l’étang. Des ploufs dans l’eau un peu
partout parsèment la surface. On se creuse pour le dîner. Dans le four de la
cuisine, la quiche dore. Mamie dort, le chat aussi, il a plus envie.
j’étais pas là
la chaise berçante de la galerie est fatiguée le plancher aussi - la
ville a laissé des trous que la campagne essaie de reboucher - le linge sèche -
il n’y a que du linge mou - nous sommes mollassonnes
nous ne cherchons pas à faire quelque chose de nos journées - on se
laisse faire - peut-être ça donnera quelque chose - nous ne sommes pas pendues
à nos je ne sais pas nous les vivons
est-ce que ce soir on verra les étoiles ? me semble que le ciel se
dégage et que les pistaches diraient pas non
ALORS FAIRE UN FEU
je ne fais pas le feu - je m’assis - j’attends qu’tu me dises le nom
des étoiles au-dessus de ma tête - je suis moins campagnarde - je me complais
dans ton leadership qui m’indique tout comment faire et où m’asseoir - j’aime
pas les souris ni les insectes ni les bibittes - si un jour je vois un orvet je
meurs
on a coupé
le temps au couteau à pain sans se préoccuper des miettes
la bière
sure me susurre à l’oreille des affaires quétaines de messages facebook - une
chaine de bonnes ondes quétaines - des mots de chansons quétaines
pourquoi
ces mots-là sont rendus quétaines ?
oui s’il
vous plait dites m’en plus à ce sujet - quoi écrire et quoi pas écrire ?
je dois répondre
à une bière trop surette pour moi
comment
dialoguer avec une bière ?
elle
pourrait garder en vie un bébé éprouvette - j’imagine que c’est surette un bébé
éprouvette - une mini crevette dans une microdose de Perrier - allo nano bobo
comment tu m’as fait j’bois que d’l’eau - au secondaire j’étais lavette
maintenant je me nomme Lavette depuis l’estrade - dans chaque gorgée un prisme de
lumière
comment
dialoguer avec soi-même ?
devant le
feu : faire le mur - faire l’amour à la québécoise - tirer dans le dur
avec la main molle - se mettre en cure - penser guimauves à griller en bout de
stick - le manier comme à l’escrime - se dire merci de n’avoir pas vécu au
Moyen-Âge dans une histoire de capes et d’épais
qui pour
jouer les épais ?
plus moi je veux plus - j’achète
de la lenteur à la livre sans sachet plastique - en vrac comme le riz - mettre
les mains dans le bac et choisir les grains - prendre les gros qui passent
difficilement dans le sablier - comme enlever le caca dans la litière - j’oublie de réparer ma montre - elle est encore
sur le meuble du couloir dans l’appartement loin en ville
il suffit de regarder le feu dans la nuit
je me perds - toi tu te perds aussi ?
tu pourrais te perdre aussi - tu pourrais imaginer les nuits au bord du lac -
les jumelles qui s’occupent du barbecue - la télé dans le lointain du
camping-car qui donne les nouvelles en continu - tu partirais comme
un truck qui glisse dans le fossé après un croche - tu partirais la tête en arrière
sous une cascade de monts et merveilles - monts et merveilles c’est ce que
l’infini du ciel te promet - il t’apporterait sur un plateau d’argent une page d’un
livre que tu aimes tant et te la lirait dans le réconfort qui t’est dû
tu me dis : approche pas trop tes pieds du feu, t’as des
bottes de caoutchouc pour le serein
(un mot que j’connaissais pas)
je me suis perdue jusqu’à sentir la grande ourse qui m’enlaçait par derrière
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